Freud rappelle qu’il y a trois métiers impossibles : gouverner, éduquer et analyser. On pourrait leur adjoindre entraîner. Car si l’entraîneur représente une figure d’autorité, cette autorité ne lui vient ni de ses compétences ni de ses connaissances, mais de sa responsabilité. À condition, bien sûr, qu’il la reconnaisse et l’assume. Retour sur mon expérience vécue de responsable de l’équipe de France de natation, qui m’a fait prendre conscience d’une réalité que j’étais loin d’imaginer : la fragilité des champions est consubstantielle à leur devenir d’athlète de haut niveau.

Entre les lignes

Ce qui se joue dans la relation entraîneur-athlète, c’est bien un « devenir », dirait Gilles Deleuze, c’est-à-dire une confrontation entre autorité d’un côté et fragilité de l’autre. Confrontation en chacun d’entre nous, mais aussi confrontation au sein du collectif, conçu comme une entité vivante à part entière. Comment expliquer, sinon, la réussite d’une équipe de France dans laquelle se côtoyaient, entre autres, des singularités aussi antinomiques que Philippe Lucas, entraîneur de Laure Manaudou, Denis Auguin, d’Alain Bernard, Marc Begotti, entraîneur national, Lionel Horter, de Roxana Maracineanu, et Lucien Lacoste, de Xavier Marchand et Solenne Figuès ? L’impossible est la ligne d’horizon.

Pourquoi ? Parce qu’il s’agit à la fois de résister à la violence que confère le pouvoir à travers l’autorité et, dans le même temps, de se garder d’imposer un savoir. D’où ce nouveau problème : comment entraîner sans appauvrir la possibilité de la créativité ? Comment se servir de l’autorité sans passer par la force ? Comment refuser de s’identifier à cette seule fragilité ?

J’ai pu mesurer qu’accueillir les entraîneurs tels qu’ils sont était un bon point de départ. Le fait d’imposer la présence de chacun d’entre eux durant les stages de préparation tout au long d’une olympiade a permis que s’exprime entre les...