Il faudrait partir comme Toni Kroos. Être heureux mais avec détachement. Dominer les larmes comme on dominerait les matchs. On lèverait les mains pour les taper bien haut. Des ramasseurs de balle, aux intendants, des adversaires aux remplaçants, on embrasserait tout le monde, même ceux dont on a oublié les prénoms. Un stade entier se lèverait pour crier notre nom. On resterait impassible. On saluerait sobrement. Pas une larme ne sortirait. Quand on a été élevé dans la sobriété, le goût du travail et la réserve du culte sincère, on ne fait pas étalage de ses émotions. La honte est sacrée.

La légende raconte que le numéro 8 allemand n’a jamais perdu un ballon. C’est Zizou lui-même qui a lancé la rumeur en 2020 « Le voir s’entraîner au quotidien… oui… j’adorais voir Toni s’entraîner. Il était juste… C’était juste exceptionnel ce qu’il faisait à l’entraînement et je pèse mes mots. Moi, j’étais bon à l’entraînement aussi, mais j’étais pas comme lui. Lui c’était simple… je ne l’ai jamais vu perdre un ballon. Alors s’il en a perdu… peut-être un seul. C’était toujours fin, efficace, jamais de jour sans. Donc voilà, c’est ça, l’anecdote. »

Une allure de Kaiser

Sur le terrain, il n’était ni rapide, ni intense, ni explosif, ni dribbleur, ni provocateur. On l’a rarement vu tackler rageusement. Toni Kroos n’obéit absolument à aucun canon du football contemporain. Même son modèle de chaussure, identique depuis le début de sa carrière (et qu’il tenait à nettoyer lui-même par souci de précision), est démodé. Les tatouages qui recouvrent ses bras, cette mèche finement ciselée, telles sont les seules concessions de l’homme à l’époque. Tout le reste, le jeu, l’éthique, la vie, c’est du durable. Contrôles sous pression, tête toujours levée, transcendantes transversales, protection de balle, anticipation, soutien aux défenseurs, omniprésence à la...