Contributions
40 ans d’échecs européens de Paris Gratuit
Le 2 octobre 2024
Paris a connu en mai 2024 une nouvelle grande déception européenne avec son élimination devant le Borussia Dortmund en demi-finale, une formation très accessible pour les Parisiens selon de nombreux observateurs. Un nouvel échec de QSI ? ou est-ce que le mal n’est pas plus profond pour un club qui depuis exactement 40 ans aligne successivement les échecs à l’échelle continentale et qui finalement se voit plus beau qu’il n’est réellement ? Paris est-il depuis 40 ans plus un grand club marketing qu’un grand club sur le plan sportif ? Retour sur les divers échecs européens avant QSI entre 1983 et 2011, ses causes, les points communs avec ceux de QSI de 2013 à 2023. L’ancien PSG connaissait sa crise du mois de novembre. Le PSG QSI connait sa crise au mois de mars quand la dépression collective atteint profondément les supporters du club suite à une énième grande déception en Ligue des champions. Pour ceux qui n’aiment pas le PSG l’émission de l’Afterfoot qui suit l’élimination du club parisien est probablement la meilleure de l’année avec un Daniel Riolo à son sommet. Il faut réserver sa fin de soirée et se coucher tard même quand on est très fatigué et que l’on se lève tôt comme moi. C’est un grand moment de radio. Sont souvent mis en avant de manière judicieuse les problèmes structurels du club, notamment les erreurs de management, les starlettes du PSG qui ne sont jamais au rendez-vous physiquement et mentalement lors des confrontations directes, Nasser qui a plusieurs casquettes et qui fondamentalement ne comprend rien à la gestion d’un club de football de très haut niveau. Dans cette contribution je m’interroge non pas en tant que supporter et journaliste mais en tant qu’historien qui s’intéresse à longue durée pour savoir si le mal n’est pas plus profond, si finalement l’ADN de ce club, de la ville, prépare Paris a être véritablement un grand d’Europe sur le terrain et pas seulement sur le plan économique et marketing. Pour cela j’analyserai les performances de l’ancien PSG en Europe de 1983 à 2011, le « véritable » PSG pour les anciens supporters et nostalgiques, celui qui avait une « âme » qui aurait été moins bling-bling. Or il apparaît que Paris pouvait déjà être « ridicule », la « risée de l’Europe », et que selon moi Paris aurait déjà dû à défaut de remporter la Ligue des champions, se constituer un palmarès à la FC Séville, en trustant coupe d’Europe des vainqueurs de coupes et coupe UEFA, ce qui ne fut pas le cas. La première participation européenne de Paris remonte exactement à il y a 40 ans, au cours de la saison 1982-1983, l’ancienne coupe d’Europe des vainqueurs de coupes réservée aux vainqueurs des coupes nationales. Paris était bien armé avec des joueurs de qualité comme Dominique Baratelli, Dominique Bathenay, Jean-Marc Pilorget, Jean-Claude Lemout, Luis Fernandez, Oswaldo Ardilès, Moustafa Dalheb, Safet Susic, Dominique Rocheteau, Kees Kist, Toko. Lors des deux premières tours Paris élimina avec la manière les bulgares du Lokomotiv Sofia et les gallois de Swansea City coachés par John Toshack, sixième du championnat d’Angleterre l’année précédente. Qualifié pour les quarts de finales de la C2 Paris sembla favorisé par le tirage au sort avec les belges de Waterschei Thor, une équipe solide mais sans génie, dont les individualités étaient inférieures à celle du PSG, alors que les autres quarts de finale opposaient l’Inter Milan au Real Madrid, l’Austria Vienne au FC Barcelone de Maradona, Schuster et coach Menotti, le Bayern Munich à Aberdeen. Lors de la première manche au Parc des princes devant 50 000 spectateurs, record d’affluence, les parisiens s’imposèrent logiquement 2-0 grâce à des buts de Pilorget et Luis Fernandez. Cette victoire ouvrait de bonnes perspectives pour la qualification pour les demi-finales. Mais la catastrophe se produisit dans les Flandres le 16 mars 1983. Les parisiens furent surclassés mentalement, dans l’engagement physique, et s’inclinèrent 3-0 après prolongation en terminant la rencontre à 9. A noter que cette coupe d’Europe des vainqueurs de coupes 1982-1983 ne fut pas conquise par un ténor du football européen : Real Madrid, FC Barcelone, Internazionale, Bayern Munich, Tottenham mais par un club écossais le FC Aberdeen. Alors certes le football écossais d’il y a 40 ans était beaucoup plus compétitif qu’en 2023, mais en aucun cas ces individualités n’étaient supérieures à celle du PSG. La différence ? Peut-être celles entre les coachs. George Peyroche a eu le mérite de remporter les deux premiers titres de l’histoire du PSG en 1982 et 1983 et avec un grand panache, comme l’attestent les spectaculaires finales contre le Saint-étienne de Platini et le FC Nantes. Mais qui connaît George Peyroche en dehors des anciens supporters parisiens et en dehors de l’hexagone ? Le FC Aberdeen était coaché par Alex Ferguson qui se distinguera par la suite à Manchester United…                                                            Lors de la saison 1984-1985 Paris hérita en 1/16 finale de la coupe UEFA des hongrois de Videoton. Les observateurs étaient satisfaits. Videoton était un club inconnu, et même à l’échelle des grands clubs du bloc communiste, ce n’était pas le Dynamo Kiev, le Spartak Moscou, l’Etoile Rouge Belgrade ou les grands clubs de Budapest comme Ferencvaros, Ujpest, Honved, MTK, Vasas. Et pourtant au cours du match aller au parc des Princes les Hongrois surclassèrent les parisiens en s’imposant 4-2, le score étant de 4-0 à l’entrée du dernier quart d’heure, Dominique Rocheteau évitant une humiliation plus grande. Le miracle ne se produisit pas au retour. Videoton menait 2-0 après 67 minutes mais la rencontre fut arrêtée en raison d’un épais brouillard. Le brouillard ne sauva pas le PSG puisque lors du match joué le lendemain Videton s’imposa 1-0.                                                                                                                            En 1986 Paris remporta le premier championnat de son histoire avec Gérard Houiller comme coach et comme colonne vertébrale de l’équipe, Joel Bats dans les buts, Luis Fernandez et Safet Susic au zénith de leur carrière, Dominique Rocheteau en attaque. Lors de la saison 1986-1987 le PSG hérita en 1/16 finale de la coupe d’Europe des clubs champions du TJ Vitkovice Ostrava, un club apparemment à la portée du club parisien qui conquit en 1986 le seul championnat de Tchécoslovaquie de son histoire et qui n’avait pas le prestige des grands clubs de Prague comme le Sparta, le Slavia, le Dukla. Pourtant Paris mordit la poussière sans gloire devant Vitkovice en étant tenu en échec 2-2 au Parc des Princes et en s’inclinant 1-0 en Tchécoslovaquie. Le quinquennat européen 1992-1997 est considéré à juste titre comme l’une des pages les plus glorieuses du PSG qui enchaîna 5 demi-finales européennes, deux finales consécutives en 1996 et 1997 et fut le seul club français de l’histoire à être classé premier au classement UEFA des clubs en 1998. Au cours de ce quinquennat les supporters parisiens vécurent de grandes soirées européennes en battant des équipes prestigieuses comme le Real Madrid deux fois, le FC Barcelone de Johan Cruyff, le Bayern Munich, Liverpool, le Napoli, Parme, le Deportivo La Corogne alors des équipes très compétitives sur la scène continentale. Cependant une analyse plus critique nuancerait cet âge d’or en mettant l’accent sur le fait que le PSG rata la conquête de plusieurs trophées. En 1994 le PSG subit la loi du Arsenal du coach George Graham, le « Boring » Arsenal, une équipe certes très solide mais sans génie, qui avait contrairement aux équipes anglaises de l’époque le mérite d’être beaucoup plus forte sur le plan tactique, mais qui ne présenta jamais le football champagne et flamboyant du Arsenal des années 1930 d’Herbert Chapman, et celui d’Arsène Wenger entre 1996 et 2018. En 1995 Paris atteint les demi-finales de la Ligue des champions. Il faudra attendre 2020 pour voir le club parisien faire mieux. Au demeurant c’était une excellente performance à nuancer à nouveau selon moi. En effet la Ligue des champions 1995 fut remportée par l’Ajax Amsterdam coachée par Louis Van Gaal, dont la moyenne d’âge était de 22 ans et qui était loin de valoir le super Ajax 1971-1973 de Johan Cruyff. En terme d’individualités Paris n’avait absolument rien à envier à cette jeune formation amstellodamoise avec des joueurs comme Bernard Lama, Alain Roche, Ricardo Gomes, Paul Le Guen, Vincent Guérin, Daniel Bravo, Valdo, Rai, George Weah, David Ginola. Peut-être cela s’explique par le fait que Luis Fernandez coach était un moins bon tacticien que Louis Van Gaal qui eut une carrière  plus notable. En 1996 Paris conquit la première coupe d’Europe de son histoire, la coupe d’Europe des vainqueurs de coupes. Les parisiens affrontèrent en supercoupe d’Europe la Juventus vainqueur de la Ligue des champions. Paris fut surclassé, humilié par la Vecchia Signora ou évoluaient alors Didier Deschamps et Zinédine Zidane et s’inclinant 6-1 au Parc des Princes et 3-1 à Palerme. La dernière édition de la coupe d’Europe des vainqueurs de coupes fut disputée au cours de la saison 1998-1999. Paris avec comme président Charles Biétry et comme coach Alain Giresse connut une cruelle désillusion en étant sorti dès les 1/16 finales par le Maccabi Haifa, match nul 1-1 au Parc des Princes et défaite 3-2 en Israel. Lors de la saison 2000-2001 avec comme figure de proue Nicolas Anelka, le club parisien espérait se distinguait en Ligue des champions. Après avoir franchi la première phase de groupes, le PSG intégra la deuxième phase de groupes en compagnie du Milan AC, de Galatasaray et du Deportivo La Corogne. Les parisiens firent jeu égal avec les Rossoneri et les turcs mais ne se qualifièrent pas pour les quarts de finale en raison de deux défaites devant le Deportivo La Corogne, 3-1 au Parc des Princes après avoir mené au score à l’heure de jeu, 4-3 en Galice après avoir mené 3-0 après 55 minutes ! Ronaldinho évolua deux saisons à Paris ( 2001-2003 ) fut très brillant lors des classicos contre Marseille mais ne permit pas aux parisiens de briller en Europe. En effet les parisiens furent éliminés deux fois dès les 1/16 finales en coupe de l’UEFA par les Glasgow Rangers et les portugais de Boavista. En 2004-2005 Paris retrouva la Ligue des champions. Les parisiens devront attendre huit ans et l’arrivée de QSI pour participer à nouveau à l’épreuve reine. Avec Pauleta,  Jérome Rothen et coach Vahid Paris passa totalement à côté de son sujet en terminant dernier d’un groupe derrière le Chelsea de José Mourinho ( défaite 3-0 au Parc des Princes ), le FC Porto et le CSKA Moscou, défaites 2-0 en Russie et 3-1 au Parc des Princes avec un triplé de Serguei Semak. Les dernières expériences en coupe UEFA ne furent guère concluantes. Paris tomba deux fois en 1/8 finale en 2007 et 2011 face à un Benfica Lisbonne loin de valoir les illustres formations de l’époque d’Eusebio ( 1960-1972 ), et le Dynamo Kiev en quart de finale en 2009, la formation ukrainienne ne valant guère les grandes formations coachées par Valery Lobanovski entre 1975 et 2000. Comme on peut le constater à travers ce récit l’ancien PSG entre 1983 et 2011 a pour reprendre une expression très à la mode été souvent « ridicule » et « la risée de l’Europe ». Quelles sont les spécificités de Paris QSI et ses points communs avec « l’ancien » PSG ? Avec QSI il faut bien admettre que Paris en phase de groupe a été irréprochable, ainsi qu’en 1/8 finales entre 2013 et 2016, battant quasiment tous les ténors du football européen présent ou passé : Real Madrid, Barcelone, Valence, Juventus, Napoli, Manchester City, Manchester United, Liverpool, Arsenal, Chelsea, Bayern Munich, Dortmund, Red Bull Leipzig, Leverkusen, Benfica Lisbonne, FC Porto, Ajax Amsterdam, Anderlecht, Celtic Glasgow, Dynamo Kiev. Avec QSI fini les humiliations devant les sans-grades comme Waterschei, Videoton, Vitkovice, Maccabi Haifa et autres Boavista. Alors oui Paris ne gagne pas mais est battu depuis 2013 dans les matchs couperets par des équipes comme le FC Barcelone en 2013, 2015, 2017, Chelsea en 2014, Manchester City en 2016 et 2021, le Real Madrid en 2018 et 2022, Manchester United en 2019, le Bayern Munich en 2020 et 2023, le Borussia Dortmund en 2024, des équipes avec des moyens financiers très importants comme Paris, avec des effectifs possédant des individualités brillantes et un collectif bien huilé. On peut rétorquer que Paris n’a pas de philosophie de jeu, une identité de jeu par rapport aux grandes équipes. C’est absolument vrai. Mais je dirai que cela est l’un des problèmes structurels de Paris en Europe depuis 1983, qui l’a empêché de conquérir la Ligue des champions en 1995, et d’être le FC Séville de la défunte coupe d’Europe des vainqueurs de coupes qu’il aurait pu conquérir à plusieurs reprises en 1983, 1994, 1996, 1997, 1999. L’argument du Paris bling bling est selon moi fortement à nuancer. Prenons l’exemple du Real Madrid. Si les Merengues sont supportés par les espagnols de toutes les classes sociales, ils assument totalement leur identité bling bling, ne cherchent pas à s’afficher comme un club ouvrier et issu des classes populaires comme d’autres clubs de Madrid comme le Rayo Vallecano, Getafe, Leganes, voire l’Atletico Madrid. Concernant le PSG il ne sera jamais le Red Star. La différence entre les deux clubs réside dans le fait que si le Real Madrid est bling bling, il met également en avant ses valeurs monarchistes et de l’aristocratie guerrière héritée du Siglo de oro, Gloire, Honneur, abnégation, courage physique et moral, sens du sacrifice, la capacité à la fois d’être beau, esthétique, mais de savoir sortir aussi le bleu de chauffe du travailleur manuel, d’être dur au mal quand les circonstances l’exigent, alors que Paris représenterait pour moi les valeurs de certaines élites parisiennes, politiques et médiatiques qui vivent dans le passé, imbues et centrées sur elles-mêmes qui connaissent mal le monde extérieur, nostalgiques de la France hégémonique de Louis XIV et de Napoleon, d’une France qui voit le train de l’histoire passé, d’une France dont la voie ne pèse plus dans les relations internationales, dans la guerre entre le Russie et l’Ukraine, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, une France déclassée mais qui pense qu’elle compte encore. Les supporters du Benfica Lisbonne pensent qu’ils ne remportent plus aucun trophée européen depuis plus de 60 ans en raison de la malédiction de Bela Guttmann. Pour moi âgé de 50 ans, je pense que Paris est victime de la « malédiction de Waterschei ». Je n’ai toujours pas digéré cette élimination et pense que Paris aurait été en mesure de conquérir la coupe d’Europe des vainqueurs de coupes en 1983. Si tel avait été le cas le destin européen du PSG aurait été totalement changé et de manière très favorable. Les fantômes de la sinistre soirée flamande du mercredi 16 mars 1983 hantent régulièrement le club parisien quand il joue en Europe, un club capable de très nombreux coups d’éclats, de remporter des victoires brillantes, mais incapable de remplir sa salle de trophées de plusieurs titres européens. C’est cela peut-être l’ADN du PSG.
40 ans d’échecs européens de Paris
commentaireCommenter