Rien de tout cela ne serait peut-être arrivé si Luigi Meroni n’avait pas égaré les clefs de son appartement. Ce 15 octobre 1967, chez lui, au Stadio Comunale, le Torino vient de s’imposer 4-2 contre la Sampdoria, préparant idéalement la grande affiche du week-end suivant, le derby de Turin. Avec Nestor Combin, un Franco-Argentin au visage d’indien, « Gigi » Meroni est la star du Toro. Le numéro 7 est un ailier vif au corps de freluquet. Sur le terrain, ses pattes maigrelettes valsent dans les défenses. Il a vingt-quatre ans. Il est beau, charismatique, résolument moderne. Provocateur, aussi. Il annonce déjà la couleur. Trois buts. Dans une semaine, il marquera trois buts à la Juventus. Rien que ça.
Il fait nuit sur le corso Re Umberto en cette fin de journée d’automne. Avec son copain Fabrizio Foletti, Meroni s’arrête au Zambon, un bar, pour appeler sa fiancée, la belle Cristina. Ces deux-là forment un couple magnifique et s’apprêtent à vivre heureux. Cristina a obtenu du Vatican l’annulation de son premier mariage. Jusque-là, ils vivaient en concubinage, une tare dans l’Italie conservatrice et cléricale des années 60. Cela n’empêche pas le couple de se montrer en public et de se retrouver en photo dans les pages people de Gente ou Epoca. À la sortie du café, Meroni et Foletti traversent le corso n’importe comment, à la manière des films de l’époque, sans doute. On imagine : les mecs en pantalons serrés et blouson de cuir, une clope à la main. Dans l’obscurité, gêné par la pluie et le trafic dense de l’après-match, un coupé Fiat 128 ne les voit pas et fauche les deux hommes à pleine vitesse. Projeté de l’autre côté de la rue, Meroni est renversé par une seconde voiture, qui le traîne sur 50 mètres. Foletti...
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