Si aucune partie de ballon rond n’avait eu lieu en ce mois de juin 1969, une autre étincelle aurait à coup sûr été trouvée pour déclencher les hostilités »(1) :
ce constat, signé José M. Delgado, recteur de l’université de San Salvador, dit dans quel contexte brûlant se déroulent les matchs entre le Honduras et le Salvador en ce mois de juin 1969. Le football est un prétexte pour déclencher le terrible conflit à venir entre le Honduras et le Salvador. Les deux pays partagent la même culture, les mêmes couleurs (leurs deux drapeaux sont bleu et blanc) et la même langue, mais leurs gouvernements attisent les braises nationalistes pour éclipser leur déroute économique. Comment des matchs de football, fêtes populaires avant tout, ont-ils dégénéré en guerre fratricide ? Pour y répondre, il faut se plonger dans l’histoire.
Les deux pays ont obtenu leur indépendance le même jour, le 15 septembre 1821. Dans les années 1960, ils prennent des chemins différents. La question démographique, notamment, détériore leurs relations. Le Salvador, au sud, est l’un des plus petits pays d’Amérique centrale. Il compte près de 4 millions d’habitants à l’époque, soit 200 au km². Le Honduras, au nord, compte 3 millions d’habitants pour une surface de 120 000 km², soit 25 habitants au km². La population salvadorienne est si concentrée qu’une partie émigre vers les terres honduriennes. En 1969, quelque 300 000 Salvadoriens, soit 10 % de la population hondurienne, exploitent les champs de leurs voisins. Cet exode est dû à une répartition des terres très inégale au Salvador, comme d’ailleurs, nous le verrons plus loin, au Honduras. Le Salvador est contrôlé par un régime oligarchique, aux mains des « 14 familles » : 2 % des habitants possèdent plus de 60 % des terres. La forte immigration fait dire au...
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