Quelle relation entretient le footballeur avec le plaisir ?
Fernando : En Amérique latine, le football est souvent la seule échappatoire des classes populaires pour sortir de leur condition. La notion de plaisir n’est pas centrale. Diego lui-même me le disait : « Oui, je m’amuse beaucoup sur un terrain, c’est vrai, mais pour mes amis de Villa Fiorito (quartier pauvre du sud de Buenos Aires, ndlr), le foot était le seul moyen d’améliorer son destin. » Le sport de haut niveau y devient une pathologie. Il y a de plus en plus d’adolescents qui se suicident parce qu’ils n’ont pas été sélectionnés par leur entraîneur. Les habitudes ont changé. Aux 10 heures de foot en bas de chez eux, ils préfèrent les réseaux sociaux. Il y a moins de temps pour le simple plaisir du jeu. Tu crois que Messi prend du plaisir ? Il prend du plaisir quand il gagne, oui. Je l’ai vu dans le vestiaire après le 4-0 encaissé contre l’Allemagne en quart de finale du Mondial sud-africain. Il pleurait à grosses gouttes, criait, était désespéré. Ses coéquipiers étaient plus ou moins dans le même état. En 1986, tout était très différent. Après le célèbre quart de finale contre les Anglais, Diego m’envoie échanger des maillots avec quelques joueurs. Fenwick et Barnes discutent entre eux comme si de rien n’était. Pourquoi ? Parce que la condition sociale des joueurs européens n’a rien à voir avec celle des Sud-Américains.
Tu as été l’adjoint de Menotti et Bilardo. Les deux n’avaient pas le même rapport au plaisir…
Fernando : Menotti disait que gagner était moins important que les moyens employés pour y parvenir. Bilardo voulait gagner par n’importe quel moyen. C’était ça, son plaisir. Mais c’est très toxique, en ce que tout le monde se met à les...
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