De là-haut, la vue est époustouflante, mais Lionel Scaloni a-t-il le luxe de contempler son œuvre ? Fin novembre, le sélectionneur des champions du monde argentins a déclenché un séisme, à la sortie d’un succès maîtrisé contre le Brésil (1-0), au Maracanã : « J’ai besoin de réfléchir. Continuer à gagner est difficile. Cette sélection a besoin d’un entraîneur en possession de toute son énergie. » Depuis, l’orage est passé, le deuxième Lionel préféré des Argentins est toujours là, mais le message d’alerte a rappelé combien cette sélection pouvait lessiver, dans le triomphe ou la débandade, près de vingt ans après que Marcelo Bielsa a quitté le banc de l’Albiceleste, faute d’avoir « l’énergie demandée par le poste ».

démoli par diego

S’asseoir sur un banc de touche, c’est se ronger le cerveau, qu’importe le niveau. Être sélectionneur de l’Argentine, c’est autre chose. Par exemple, se faire démolir par Diego Maradona : « Scaloni, il peut aller au Mondial de moto. De football, non. C’est un bon mec, mais il ne pourrait même pas diriger la circulation. » Ou devoir se hisser à la hauteur de Menotti, Bilardo, Sampaoli, Bielsa, Bianchi, Valdano, Simeone, Pochettino, Gallardo… C’est faire cohabiter des génies et des têtes à claques, par fidélité à ce mélange unique de créativité et de roublardise qui compose l’ADN argentin. C’est résister à la pression populaire et médiatique, infernale dans un pays qui fait de la sélection « le marqueur de son auto-estime nationale et le rappel de sa grandeur passée », comme le dit l’écrivain argentin Eduardo Sacheri. Et c’est pire avec la crise – 276,2 % d’inflation annuelle, taux de pauvreté supérieur à 50 %. C’est faire battre le cœur d’un public follement exigeant, furieusement passionné, longtemps impitoyable avec Lionel Messi, coupable de ne pas être aussi magique...