
Quand vous entrez dans un stade latino-américain, que ce soit pour un match de championnat ou, mieux, pour un clásico, le même processus se déclenche. D’abord, vos yeux s’activent devant les tribunes qui se remplissent, puis s’embrasent, faisant voler papelitos et feux d’artifice. Ensuite, vos oreilles sont noyées sous le son des pétards, les chants, le bruit des pas qui retombent en cadence avec tambours et trompettes. Enfin, le toucher, les vibrations des tribunes, le sol qui semble se dérober sous vos pieds. Ce tourbillon des sens vous emporte, l’émotion est physique, votre conception du football ne sera jamais plus la même, balayée par la passion. On ne rationalise pas l’émotion, mais un élément, commun à tous les pays latino-américains, la nourrit, lui sert de terreau : la construction d’une identité nationale.
Ciment de la nation
Pour bien comprendre ce dont il est question, il faut s’éloigner des discours français, qui font de l’identité nationale un moyen d’exclure plutôt que de réunir. Il s’agit ici de solidifier les liens entre membres d’une même nation, et le football joue un rôle central. Nombre de pays latino-américains ont acquis leur indépendance au XIXe siècle, au moment où le football y était importé par des migrants. Contrairement à ce que prétendent les mythes modernes, le football a été créé par les riches, les élites, puis volé par les pauvres, le peuple, qui y ont vu une façon de s’émanciper, entraînant avec eux une nation entière.
Chaque pays a ainsi acquis son indépendance et développé en même temps son football, son identité. « Les footballeurs inventaient leur langage dans ce minuscule espace où la balle n’était pas frappée mais retenue et possédée […] et dans les pieds des premiers virtuoses sud-américains naquit le toucher », écrit Eduardo Galeano dans El Fútbol a sol y...
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